Mai 2024 ~ Derniers virages et souvenirs impérissables
Courant avril, la Piña s’est reformée pour un peu plus d’un mois. Ainsi, mai marque la fin de notre voyage ensemble par un périple sur l’île de Kyūshū. Île sur laquelle je reviendrai avec l’aumônerie à la mi-mai pour un pèlerinage à Nagasaki.
Kyūshū, une île aux mille visages
Après avoir quitté Honshū fin avril, nous nous sommes dirigés vers Kyūshū, l’île la plus au sud des quatre formant l’archipel nippon. Ce qui est fascinant avec Kyūshū, c’est que vous avez une variété de paysages que l’on soupçonne difficilement en arrivant par le nord.
En effet, nous sommes arrivés en voiture par la zone industrielle de l’île. Nous avons fait route en direction du mont Aso, qui a une vraie ressemblance avec les volcans de la chaîne des Puys tant par sa forme que par son cratère. (Attention, il ne s’agit là que de ce que j’imagine être la chaîne des Puys, il est tout à fait possible que cela n’ait rien à voir.) Nous sommes restés deux nuits dans un chalet sur le mont Aso et ce fut mémorable ! Dès notre arrivée, nous avons compris ce qui allait se passer : nous allions tomber sous le charme du lieu. Cela n’a pas manqué. Ce chalet est tenu par un homme qui a dû vivre une dizaine de vies différentes… Il impose un respect naturel et vous avez l’impression, en vous adressant à lui, de parler au sage de la montagne. Certes bourru, mais très affectueux ! Attention cependant, si vous l’énervez, je pense que sa voix rauque doit réveiller la montagne elle-même ! Nous avons donc suivi ses conseils à la lettre et nous sommes allés dans un restaurant proche de son chalet, tout à fait original quant à ce qu’il propose. Chaque groupe s’assoit autour d’un « foyer » où des braises ont élu domicile. Vous recevez un plateau avec votre repas, mais cru ; c’est à vous de vous occuper de la cuisson… au feu de bois ! Vous avez des brochettes de légumes, de viande et un poisson entier à faire cuire en plantant la brochette dans les cendres, et d’autres ingrédients à faire cuire directement sur la grille au-dessus des flammes. Vous me connaissez, vous le savez donc : oui, j’ai fait tomber une brochette dans les cendres, oui, j’en ai bavé pour les retirer, et oui, j’ai tout fini. Donc, on ne va pas s’étaler sur ce sujet, d’accord ?





L’une des raisons pour lesquelles nous avons vraiment apprécié ce repas fut la météo. En effet, il pleuvait et faisait bien plus froid que nous le pensions. Avoir un repas chaud et pouvoir se sécher grâce aux flammes fut un réel plaisir. La météo fut pour moi une réelle source d’agacement. En repensant à notre voyage, force est de constater que je m’étais mis une pression exagérée pour que tout se déroule parfaitement. Je voulais qu’Adriano et Bogdan profitent au maximum, et donc je m’entêtais à essayer de tout contrôler. Mettez-vous à ma place : vos amis viennent vous voir à l’autre bout du monde pour un mois, vous avez évidemment envie qu’ils en gardent un bon souvenir ! Je pense par ailleurs que lors de l’épisode du « presqu’accident de vélo », si j’ai atteint des niveaux de mauvaise foi jamais égalés, cela était en partie dû à cette pression accumulée. Aujourd’hui, je vois au moins trois enseignements que j’ai pu tirer pour moins emmagasiner de pression lorsque j’organise un voyage.
Ne pas prendre personnellement les goûts de chacun.
Si vos hôtes préfèrent davantage les sushis des restaurants basiques à ceux préparés par un chef sushi, c’est leur goût. (Même si j’avoue que je ne le comprends toujours pas presque un an après…)
Ne pas prendre toute la responsabilité du voyage.
Il est presque impossible de réaliser tout ce qui a été prévu. Quand bien même il est nécessaire d’incarner parfois le rôle de la « police anti-fun » pour s’assurer que l’on suit un minimum les activités prévues, il faut savoir également écouter la forme et les envies de chacun le jour même.
Lâcher prise et rire des mésaventures imprévisibles.
La météo est incontrôlable ! La pluie contrarie les plans, mais elle peut amener quelque chose de différent ! Par exemple, sur le mont Aso, l’humidité et la brume qui l’accompagnaient ont transformé la forêt en un lieu mystique rappelant fortement l’ambiance du film de Hayao Miyazaki, Princesse Mononoké !
Après le mont Aso, nous sommes allés à Miyazaki, une ville côtière aux allures tropicales, puis à Kagoshima, la Naples japonaise, pour finir par arriver à Fukuoka, ville très jeune et dynamique ! Nous sommes rentrés le jour de lancement du festival local, donc nous avons pu en profiter quelques heures, mais suffisamment pour comprendre combien il est important pour les habitants.














Découverte de la passion automobile au Japon
Adriano, en bon Italien, est passionné par l’automobile et plus précisément par le sport automobile. Donc, nous sommes allés au Fuji Speedway, une piste située juste à côté du mont Fuji, pour assister à une course de Super GT. Ce qui était passionnant, c’est que vous aviez sur la même piste deux courses simultanément. Les affrontements sont entre moteurs de même puissance, mais tous roulent conjointement, menant donc à des dépassements réguliers ! Par ailleurs, la piste est juste sublime car vous avez le mont Fuji en toile de fond ! Pour profiter un maximum de la piste, nous l’avons parcourue pendant plus de la moitié de la course. Nous en avons donc fait le tour (environ 4,5 km) pour en apprécier chaque recoin. Je crois qu’Adriano a vraiment apprécié car il avait un grand sourire scotché à son visage.




Je les ai aussi emmenés à un endroit à Yokohama connu pour ses rassemblements automobiles : le parking de Daikoku. Sur ce parking, deux week-ends par mois, se rassemblent beaucoup de passionnés d’automobile pour se montrer les uns aux autres leurs voitures et les modifications qu’ils ont ajoutées. Un bon exemple de l’atmosphère qui se dégage dans ces rassemblements est le film Fast and Furious : Tokyo Drift. Une nouvelle fois, Adriano était aux anges et nous buvions ses explications sur chaque modèle qu’il nous présentait !




Assez parlé des voitures des autres, et la nôtre ? Qu’en est-il de notre fidèle véhicule ? Le modèle qui nous a accompagnés dans toutes nos aventures, depuis le premier week-end à Nikkō jusqu’au parking de Daikoku, est la Toyota Yaris !
Elle fut avec nous partout où nous sommes allés, donc nous ne pouvions la laisser sans nom ! La petite voiture de la Piña… allez, on va pour Piñounette !
Ce fut Adriano qui fut le principal conducteur, puis Bogdan et ensuite moi avec vingt longues minutes au volant ! Après avoir compris que le parc automobile japonais est à 98 % constitué de boîtes automatiques, le principal défi fut pour nous de conduire à gauche ! Rouler à gauche signifie abandonner beaucoup d’automatismes, et donc y être toujours attentif ! Au bout d’un certain temps, vous vous y faites. Cependant, même après plusieurs heures de conduite, il vous arrivera toujours d’actionner les essuie-glaces lorsque vous tournez.
La plupart du temps dans la voiture, Adriano était le pilote, Bogdan le copilote et DJ, tandis que je m’occupais de la tâche la plus importante : dormir. En effet, comme l’a dit un grand sage, il est important de se reposer après n’avoir rien fait. Tout était donc parfaitement équilibré dans la Piñounette.



Conclusion de la Piña-venture
Hélas, comme le dit le dicton, « toutes les bonnes choses ont une fin » et ce voyage ne fait pas exception. Après avoir arpenté le Japon à trois, nous nous sommes séparés et ce fut dur. En effet, les voir repartir pour l’Europe marquait la fin de cette parenthèse enchantée et un mois si agréable en leur présence ! J’ai toujours eu l’impression, à chaque visite d’un de mes proches, que ce que je vis au Japon avait plus de sens en le montrant qu’en le décrivant simplement. Cela me permet de connecter ce que je vis ici, les gens que je rencontre, avec ma vie en France et donc d’y donner une nouvelle dimension.
Je profite de cet article pour adresser à Adriano et Bogdan, une nouvelle fois, mes profonds remerciements. J’ai vraiment été pleinement heureux de pouvoir les accueillir et voyager avec eux dans ce pays qui m’est si cher. Ils savent combien je tiens à eux et je me sais chanceux de les avoir pour amis.

Pèlerinage à Nagasaki
La magie du calendrier m’a permis de repartir quelques jours après le départ d’Adriano et Bogdan pour Nagasaki. Cela m’a donc permis de tourner rapidement la page de ce fantastique voyage pour entamer un nouveau chapitre, celui de notre pèlerinage avec l’aumônerie à Nagasaki. Pourquoi un pèlerinage ? Eh bien, pour au moins quatre raisons.
La première est le fait que c’est près de Nagasaki que saint François-Xavier est arrivé au Japon et d’où les premiers chrétiens japonais sont originaires.
À la suite de leur conversion fulgurante et en grande quantité, les représentants politiques et militaires japonais de l’époque prirent peur et interdirent le culte, puis persécutèrent les chrétiens. Nagasaki est donc également un lieu de recueillement pour les martyrs japonais.
Ensuite, saint Maximilien Kolbe a vécu dans un monastère à Nagasaki et y a fondé un sanctuaire dédié à Notre Dame de Lourdes.
Enfin, une dernière raison de notre venue est Takashi Nagai. J’en ai parlé dans un de mes premiers articles au travers de sa biographie (cf. Novembre 2023 ~ Entre réflexions et tranquillité), il s’agit d’un docteur japonais qui s’est converti au catholicisme en lisant Pascal et dont les écrits ont été une très grande source d’espérance après la catastrophe du 9 août 1945. Nous avons eu le privilège de pouvoir nous entretenir avec son petit-fils pendant près d’une demi-heure et ce fut passionnant et très inspirant.
Nous en avons également profité pour visiter cette belle ville de Nagasaki, et nous avons fait une randonnée dans les montagnes environnantes. Cela nous a permis de comprendre la topographie de la ville et ainsi de nous rendre compte de l’ampleur des dégâts de la bombe.
Une bonne façon d’aborder le sujet des catastrophes nucléaires d’Hiroshima et de Nagasaki est au travers de la visite de leur mémorial. Celui d’Hiroshima m’a complètement retourné car il était très cru dans l’horreur qu’il décrivait et il est réellement difficile de ne pas être au minimum marqué par ce que l’on vous montre. L’ambiance y était morbide et sans aucun bruit, si ce n’est les sanglots de certains des visiteurs.
Le réel point historique que j’ai appris concerne la « nécessité » de bombarder le Japon pour les Américains. La vision américaine est que c’était la seule solution pour éviter que la guerre ne s’éternise et que le Japon capitule. C’est assez bien montré avec le récent film de Christopher Nolan, Oppenheimer. Cependant, je ne suis désormais plus sûr de l’exactitude de ce point. En effet, ce que l’on vous explique à Hiroshima, c’est que la réelle raison qui les a poussés à vouloir finir la guerre aussi soudainement, c’est que l’URSS risquait de s’impliquer dans le conflit et donc potentiellement partager le Japon avec eux.
Les principales différences entre le mémorial de Nagasaki et celui d’Hiroshima sont dans les messages véhiculés. Hiroshima souhaite témoigner de l’horreur et pointe les Américains comme responsables de ce drame, là où Nagasaki est plus nuancé et souhaite davantage mettre en avant la nécessité de ne plus jamais utiliser la bombe atomique de l’histoire de l’humanité. Par exemple, Nagasaki mentionne dans certains documents l’horreur que les Japonais ont commise en Mandchourie, nuançant donc le tableau assez manichéen peint par Hiroshima.








Avec le voyage d’Adriano et Bogdan et le pèlerinage à Nagasaki, ce fut un article exclusivement centré sur le sud du Japon et qui, je pense, témoigne à quel point j’ai apprécié la région de Kyūshū !
Bien à vous,
Augustin Duflos de Saint Amand.

